Les « miracles » du Coran
Construite de façon artificielle à grand renfort de propagande, l’exégèse « scientifique » du Coran ne résiste pas à la science. Elle est pourtant bien ancrée dans le monde musulman… et au-delà.
Lorsqu’on parle du Coran avec un jeune musulman aujourd’hui, il est rare de ne pas entendre parler des fameux miracles du Coran, ces vérités scientifiques révélées par le Coran au VIIe siècle de notre ère, et qui prouveraient de manière évidente l’origine divine du Coran. On est alors étonné d’apprendre que le Coran décrit de manière très précise le développement de l’embryon humain, que les découvertes de Copernic, Galilée ou Newton n’ont fait que confirmer la cosmologie du Coran, et que bien avant Einstein, le livre saint de l’islam enseignait déjà la relativité…
Ces « miracles scientifiques » nourrissent une véritable apologétique musulmane propagée très largement sur internet et en particulier sur les plateformes vidéos à grand renfort d’images de synthèse et d’interviews de savants…
Piège et artifices
Cette exégèse scientifique du Coran remonte aux années 1970, avec le désir de certains intellectuels musulmans de faire concorder les découvertes des sciences modernes avec les affirmations du Coran. Le gastro-entérologue français Maurice Bucaille fut l’un des premiers à défendre un concordisme coranique, il publie en 1976 La Bible, le Coran et la science et participe en Arabie saoudite à la Commission sur les signes scientifiques dans le Coran et la Sunna qui organise à partir de 1985 des conférences avec des scientifiques du monde entier. Ceux-ci sont alors habilement invités à reconnaître la validité scientifique de tel ou tel verset. Beaucoup re-connaîtront par la suite s’être fait piéger lors de ces conférences, mais les extraits vidéos demeurent, et constituent encore aujourd’hui le principal argument d’autorité pour assurer l’authenticité de ces miracles.
Le flou au service de l’imposture
Une intense propagande s’est par la suite organisée, utilisant l’autorité de véritables scientifiques pour affirmer des contre-vérités flagrantes. En effet, qu’ils soient une simple malhonnêteté intellectuelle ou plus souvent une imposture manifeste, ces « miracles » ne résistent pas longtemps à l’étude :
L’un des miracles scientifiques les plus souvent cités est le miracle de l’embryogenèse du Coran qui s’appuie essentiellement sur le verset 12 de la sourate 23 que l’on peut traduire ainsi :
« Et très certainement, Nous avons créé l’homme d’un choix d’argile, puis Nous l’avons consigné, goutte de sperme, dans un reposoir sûr, puis Nous avons fait du sperme un caillot ; puis du caillot, Nous avons créé un morceau de chair ; puis du morceau de chair, Nous avons créé des os ; puis Nous avons revêtu de chair les os. Ensuite Nous avons produit une tout autre créature ».
Si certains voient dans ce verset une preuve de l’origine divine du Coran, on constate en réalité qu’il s’agit d’une description très floue, bien difficile à interpréter et contenant des erreurs flagrantes comme la formation préalable des os.
Un discours absurde, mais influent
Un autre miracle fréquemment cité est celui de la barrière entre l’eau douce et l’eau salée :
« Et c’est lui qui donne libre cours aux deux ondes : celle-ci, douce, rafraîchissante, celle-là, salée, amère. Et il assigne entre-deux une zone intermédiaire et barrage serré. (S.25, v.53) »
Ce verset et d’autres semblables décriraient un phénomène scientifique de non-mélange dans les océans d’eaux de caractéristiques différentes (douce et salée le plus souvent). Or si le mélange n’est pas forcément instantané aux estuaires ou encore lors de la fonte des glaces, il est parfaitement faux d’affirmer l’existence d’une barrière infranchissable. L’argument d’autorité pour ce « miracle » est tout aussi farfelu, le commandant Cousteau n’ayant jamais découvert un tel phénomène et encore moins embrassé l’islam.
Une propagande donc qui ne craint pas le ridicule, mais qui garde une grande influence dans le monde musulman et au-delà. Citons par exemple le cas de Maxence Buttey, élu Front National exclu de son parti pour prosélytisme en 2014 après avoir diffusé aux cadres du parti des vidéos sur les miracles du Coran.
Islam et monde moderne
Si aujourd’hui aucun homme de science ne soutient l’exégèse concordiste, les scientifiques musulmans qui la dénoncent comme l’astrophysicien Nidhal Guessoum ont bien du mal à faire entendre leur voix devant celle assurée des prédicateurs autoproclamés savants…
La force de ce discours apologétique dépourvu de contenu témoigne de la difficile confrontation entre l’Islam et le monde moderne, elle interroge surtout sur la place donnée à la raison en Islam, et sur le rapport aux textes sacrés. Rappelons en effet que pour les musulmans, le Coran n’est pas un texte inspiré de Dieu, mais bien un attribut divin. En tant que parole incréée et intemporelle, elle ne peut tolérer la voie de l’interprétation (ijti-had).
Frère Étienne Bes de Berc