La place de Marie dans le Coran
Marie, Maryam en arabe, a une place importante pour les musulmans.
La sourate 19 qui porte son nom en est le signe. C’est peut-être la figure qui peut le plus permettre aux chrétiens de rentrer en relation vraie avec des musulmans. Cet article a pour but de présenter ce que les musulmans croient de Maryam et sera l’occasion d’approfondir le sens du dogme marial pour les chrétiens.
I. Des différences à ne jamais oublier.
On connaît l’écueil de la mentalité qui ne veut parler que de ce qui rassemble sans jamais souligner les différences. Si Maryam est mère de Jésus dans le Coran et qu’elle est vierge, elle n’est pas inscrite dans l’histoire comme dans la Bible. La généalogie de Marie dans l’Évangile la place en effet dans la lignée de David, et la nomme l’épouse de Joseph, qui est gardien de sa virginité.
C’est là un des traits caractéristiques du Coran qui attache peu d’importance aux faits historiques, mais davantage au message édifiant qu’ils nous enseignent. Le Coran, contrairement à la Bible, ne raconte pas l’histoire du salut.
Maryam est aussi présentée comme «fille d’Imran» (Sr 66, 12) et «sœur d’Aaron» (Sr 19, 28). Cette parenté laisse perplexe. En effet, la référence à Imran et Aaron est présente dans la Bible (Nb 26, 59) qui parle de Imran, père de Marie, Aaron et Moïse. Or, douze siècles séparent cette famille de celle de Jésus. Il semble clair que le Coran confond les deux Marie en cet endroit…
Maryam enfin est totalement passive par rapport au projet de Dieu. Dieu conçoit Jésus en elle, mais elle ne dit jamais le «Fiat», le « Oui» tellement central dans le récit de l’Annonciation (Lc 1, 38). Dieu a eu besoin de la coopération de Marie pour la Bible, alors qu’il montre en s’en passant sa toute-puissance pour les musulmans.
Trois dogmes chrétiens fondamentaux sont enfin absents de la présentation musulmane de Maryam.
1. L’Immaculée Conception : pour les chrétiens, Marie a été préservée de tout péché. Non seulement elle n’a jamais péché, mais elle a été dès le début dans l’état de grâce divin. Pour les musulmans, qui ne croient pas au péché originel pour chaque être humain, Maryam n’a pas eu besoin d’être préservée. Elle est simplement celle que «Dieu a choisie parmi les femmes du monde et purifiée» (Sr 3, 42).
2. L’Assomption : la foi chrétienne affirme, et Pie XII a solennellement défini ce que la Tradition nous a toujours enseigné, que la Sainte Vierge a été élevée au ciel avec son corps glorieux, sans connaître la déchéance du tombeau. Rien de tel dans le Coran.
3. La maternité divine : les musulmans se détachent de la foi chrétienne sur ce point tout particulièrement, ne reconnaissant à Maryam que le rôle de mère de Jésus. Si les chrétiens l’affirment aussi, leur foi en la divinité du Christ leur fait dire que Marie est mère de Dieu. Non pas mère de la divinité, mais mère de Jésus qui est Dieu en même temps qu’homme. Nous touchons là un point de divergence fondamental, puisqu’il touche à la foi dans la divinité du Christ, point d’achoppement entre les musulmans et les chrétiens.
II. Mais des ressemblances qui sont l’occasion d’annonce de la foi chrétienne.
Ces différences profondes ne doivent pas faire oublier que le Coran présente deux points de concordance avec la foi chrétienne : Marie est mère de Jésus (le nom de Marie est lié à celui de Jésus seize fois dans le Coran) et surtout Marie est vierge : «Elle dit : « Mon Seigneur, comment aurais-je un fils ? Nul homme ne m’a jamais touchée ? » Il dit « Dieu crée ainsi ce qu’il veut. Lorsqu’il a décrété une chose, » Il lui dit : « Sois » et elle est» (Sr 3, 47).
La question se pose alors du sens de la virginité. Il ne s’agit bien sûr pas de nier la beauté de la sexualité. Quel est alors le sens de ce privilège unique dans l’histoire du monde d’une vierge qui enfante ?
Dans une discussion récente avec deux imams, je leur posais cette question. Et leur réponse était symptomatique de la réflexion musulmane : « Parce que Dieu l’a voulu ainsi ». Autrement dit : « Ne cherchons pas à comprendre pourquoi : si Dieu a fait ainsi, c’est très bien ».
La théologie catholique y répond : si la conception de Jésus par une vierge est un miracle unique, c’est parce que Jésus a une mission unique et une identité absolument spécifique. La virginité de Marie souligne l’origine divine de Jésus. Si Jésus n’a pas de père naturel, c’est pour signifier qu’Il n’a qu’un Père, Dieu, de qui Il vient éternellement. La virginité de Marie est donc la mise en lumière de sa maternité divine.
Le Coran nous donne cependant un indice qui va dans le même sens. À la sourate 3, 45 il est dit : «Ô Marie, voilà qu’Allah t’annonce une parole de Sa part : son nom sera « Le messie », « Issa », fils de Marie» (Sr 3, 45). Verset qui peut aussi se traduire par «Voilà qu’Allah t’annonce un Verbe venant de Lui…»
III. Aller au Christ par Marie.
Notre foi chrétienne nous pousse à aller à Jésus par la Vierge Marie. Nous pouvons aussi mener les musulmans au Christ par Maryam. De manière simple et insistante, on peut demander à un musulman pourquoi il est tant attaché à la virginité de Marie, si Jésus n’est qu’un prophète comme les autres. N’est-ce pas le signe qu’il est au-dessus de Mohammed ? Il est aussi possible de lui demander pourquoi de nombreux musulmans vont par exemple à Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille, sanctuaire chrétien, afin de la vénérer voire la prier. N’est-ce pas le signe qu’elle attire à elle pour amener au Christ ? Enfin, pourquoi ne pas prier l’Angélus à l’intention de la conversion des musulmans, puisqu’elle avait été demandée par Urbain II pour le succès de la 1re croisade ? La Vierge Marie attend certainement plus de prières pour toucher de nombreux musulmans par sa grâce.
Abbé Jean-Raphaël Dubrule