La messe, mystère d’abaissement et d’abondance
À travers le mystère de l’Eucharistie, Dieu nous montre son amour en poussant l’humilité à l’extrême.
Face à face avec Jésus, présent dans les espèces eucharistiques, nous ne pouvons que nous émerveiller et rendre grâce.
Afin de toujours mieux vivre de l’Eucharistie, il peut être bénéfique de se demander pourquoi Dieu a voulu ce sacrement. Car le Sacrifice de la Croix est suffisant pour nous sauver. L’épître aux Hébreux l’affirme : « Par une oblation unique Jésus-Christ a rendu parfaits pour toujours ceux qu’Il sanctifie ». (He 10, 14). Mais le Seigneur a voulu le sacrement de l’Eucharistie pour que les grâces de son Sacrifice nous soient communiquées. C’est bien en mangeant sa chair, vraie nourriture, et en buvant son sang, vraie boisson, que la vie éternelle nous est assurée (cf. Jn 6, 47-58).Ce choix est une décision libre de la part du Seigneur. Il aurait pu faire autrement, en demandant de puise à son Sacrifice simplement par la foi, comme le pensent les protestants. Mais son projet de sagesse a voulu l’Eucharistie, et nous pouvons essayer d’en approfondir les raisons.
Comprendre en quoi la messe est sacrifice
Si la messe est, selon les mots du concile Vatican II, « source et somme de toute la vie chrétienne » (Lumen Gentium, n° 11), c’est qu’elle s’identifie au Sacrifice de la Croix. La messe, écrit Paul VI, « est le sacrifice du calvaire rendu sacramentellement présent sur nos autels » (Credo du peuple de Dieu). Jean-Paul II précise encore : « La Messe rend présent le sacrifice de la Croix, elle ne s’y ajoute pas et elle ne le multiplie pas. Ce qui se répète, c’est la célébration en mémorial, la « manifestation en mémorial » du sacrifice, par laquelle le sacrifice rédempteur du Christ, unique et définitif, se rend présent dans le temps. La nature sacrificielle du mystère eucharistique ne peut donc se comprendre comme quelque chose qui subsiste en soi, indépendamment de la Croix, ou en référence seulement indirecte au sacrifice du Calvaire »
La messe n’est donc pas simplement un sacrifice, mais le Sacrifice, celui du Christ, qui est actualisé sous les espèces du pain et du vin. L’intensité de la messe est l’intensité même de l’acte d’amour du Christ sur la Croix. Relever l’importance de l’Eucharistie ne diminue pas la valeur du sacrifice de la Croix.
Mystère d’abaissement
S’il y a identité entre le Sacrifice du Christ et l’Eucharistie, la manière d’offrir étant seule différente, qu’apporte alors la messe ? La réponse est multiple, mais on peut dire que ce sacrement exprime tout particulièrement à quel point Dieu nous aime.
L’Eucharistie souligne d’abord l’abaissement de Dieu pour nous par amour. Sur la croix, la divinité du Christ était complètement cachée, voilée. Dans l’Eucharistie, même son humanité est voilée, cachée derrière les espèces eucharistiques. Il semble vouloir s’abaisser encore plus dans l’Eucharistie qu’au Calvaire.
Or rien n’obligeait le Seigneur à s’anéantir encore davantage sous l’apparence du pain et du vin, à se rendre si fragile, à se faire nourriture. Il le fait pour souligner à quel point Il nous aime. Et contempler le Seigneur dans la simplicité d’une hostie doit toujours être source d’émerveillement devant l’abaissement de Dieu pour nous. « L’Hostie sainte nous dit l’incroyable abaissement de Celui qui s’est fait pauvre pour nous faire riches de Lui, Celui qui a accepté de tout perdre pour nous gagner à son Père », disait Benoît XVI à Lourdes.
Mystère de surabondance
Mais l’Eucharistie manifeste aussi la surabondance de l’amour de Dieu, un amour sans limites, qui se donne sans mesure, comme le rappelle Jean-Paul II : « Ce sacrifice est tellement décisif pour le salut du genre humain que Jésus Christ ne l’a accompli et n’est retourné vers le Père qu’après nous avoir laissé le moyen d’y participer comme si nous y avions été présents.
Tout fidèle peut ainsi y prendre part et en goûter les fruits d’une manière inépuisable » (Ecclesia de Eucharistia, n° 11).
Parce que l’Eucharistie accompagne la vie de l’Église jusqu’à la fin des temps et que chaque jour, quasiment à chaque instant dans le monde, une messe est célébrée, ce sacrement exprime tout particulièrement l’amour inépuisable de Dieu pour nous. L’amour de Dieu est toujours plus large que notre cœur. Les miracles des noces de Cana et de la multiplication des pains préfiguraient déjà cette surabondance. Il ne semblait en effet pas « utile » de changer autant de vin, près de 600 litres en tout, ni autant de pain, puisqu’il restera 12 corbeilles. Tout comme autant de messes ne semble pas « utile ». Mais Dieu aime donner plus que de mesure.
Si l’offrande d’une seule messe actualise pleinement ce sacrifice, alors contempler la surabondance des messes célébrées nous permet de nous émerveiller devant la largesse de l’amour de Dieu pour nous.
En contemplant le don de l’Eucharistie, comment ainsi ne pas faire nôtre le cri poussé par Jean-Paul II : « Je désire encore une fois redire cette vérité, en me mettant avec vous, chers frères et sœurs, en adoration devant ce mystère : mystère immense, mystère de miséricorde. Qu’est-ce que Jésus pouvait faire de plus pour nous ? Dans l’Eucharistie, il nous montre vraiment un amour qui va « jusqu’au bout » (cf. Jn 13,1), un amour qui ne connaît pas de mesure ». (Ecclesia de Eucharistia, n° 11).
Abbé Jean-Raphaël Dubrule