Identité catholique
Editorial de janvier
Chers fidèles
Que l’Enfant-Jésus vous bénisse en cette nouvelle année, que vous soyez comblés de grâces et plein d’espérance. Toute la communauté se joint à moi pour vous remercier pour votre soutien, vos services, votre fidèle amitié et pour votre vie de foi.
Dans une période difficile tant sur le plan spirituel que politique, de nombreux débats ont lieu sur l’identité catholique. Permettez-moi de vous livrer quelques réflexions en réponse à un article de la Vie cette semaine qui reproche à certains catholiques de faire un repli identitaire.
Le christianisme ne sera jamais culturellement ou politiquement neutre, c’est la suite logique de l’Incarnation. Même si des non-croyants peuvent tenter de récupérer son héritage, la question qui se pose est dans la manière dont l’héritage chrétien est revendiqué : l’est-il seulement dans un but électoral ? Est-ce pour tromper les chrétiens en vue d’une idéologie foncièrement anti-chrétienne ? Ou tout simplement un regard réaliste et sincère sur notre patrimoine chrétien. Cela nous oblige à avoir un discernement continuel. Il serait cependant paradoxal qu’au nom de la foi pure on interdise à tout penseur ou homme politique non chrétien de défendre une culture ou une éthique chrétienne. La parabole du bon grain et de l’ivraie me parait particulièrement convenir à ce propos. Dans un certain milieu catholique conservateur, le syndrome de l’Action Française est très présent et très mal compris, il est de bon ton de rappeler qu’un homme politique non pratiquant n’a nullement le droit de défendre un héritage culturel ou identitaire chrétien du style « ce maire n’a pas à défendre les crèches, il n’a pas la foi ». C’est ridicule et pieusard, la foi et la grâce ne restent pas cantonnées dans la piété et la morale, elles débordent dans l’art, la culture, la politique et la philosophie. Toute proportion gardée cela me fait penser à ceux qui refusent l’apologétique, les liens entre raison et foi ou les preuves de l’existence de Dieu au nom de la pureté de la foi ; ils refusent les motifs de crédibilité.
Jean Daujeat en son temps était exaspéré par ce nouveau fidéisme, faut-il rappeler que les meilleurs artistes religieux ne sont pas les plus saints ? Il en est ainsi des politiques ou des philosophes. Pour paraphraser Saint Thomas on peut dire que tout ce qui est vrai est nôtre et nous ne devons pas regarder qui le dit. Pour maintenir l’équilibre il est bien-sûr essentiel pour les catholiques de se rappeler que leur espérance est surnaturelle, elle ne saurait se trouver un absolu dans une réalité politique ou culturelle. La chrétienté n’est pas la béatitude, le combat mytho n’est pas la grâce. Cette tentation je le reconnais est permanente. Mais attention une foie que cette ivraie est dégagée, il ne faut emporter le bon grain, il s’agit d’ordonner correctement l’ensemble pour harmoniser le rapport entre la nature et la grâce. Oui la grâce transcende la nature, mais ne nions pas les effets de la grâce dans une nature blessée par le péché. A ce propos Maritain rappelait que « qui veut faire l’ange fait la bête ». Combien de personnes ont pu se convertir en découvrant des résidus de cette identité catholique, cela grâce à des nationalistes qui ont eu le courage de se battre pour préserver cet héritage chrétien. Je pense que beaucoup de ces nationalistes par ailleurs n’étaient pas des exemples de fidélité à l’Evangile. Face à la laïcité agressive de certaines de nos élites et devant la montée du salafisme qui n’est pas du tout un fantasme, on peut comprendre que les catholiques défendent avec énergie leur identité chrétienne. Ce n’est pas parce que des groupes isolés auront des réflexes excessifs qu’il faut jeter un discrédit sur le retour identitaire. Ce sont d’ailleurs les évêques africains d’Orient qui nous interpellent sur notre manque de courage et de réalisme face à l’Islam et au laïcisme. Cependant, il sera du devoir des clercs de rappeler que la plénitude de l’identité catholique est la sainteté.
Ainsi, nous pouvons comprendre que l’héritage chrétien qui est aussi culturel, artistique, philosophique, politique et éthique est inscrit dans l’histoire humaine. Attention aux puristes de la foi et de la charité, on a déjà connu cela avec l’abbé Loisy, ils n’ont fait que contribuer à la disparition du christianisme dans la culture. C’est une nouvelle forme de l’enfouissement des années 70, ils seront balayés par la modernité. A ne pas vouloir défendre cet héritage que pour ceux qui ont la foi on en arrive à un sectarisme du subjectivisme, c’est toute la question contemporaine. C’est l’intelligence en péril de mort de Marcel de Corte en désignant la crise de la vérité.
Cela s’accompagne souvent d’une certaine hypocrisie : on s’extasie devant une personnalité de gauche qui va développer certaines valeurs altruistes mais on sera d’une sévérité inouïe pour des personnalités médiatiquement incorrectes quand elles défendent des valeurs chrétiennes. Le christianisme n’est plus dans l’histoire un fait objectif, il ne se réduit qu’à une expérience spirituelle individuelle. C’est de nouveau la séparation entre le Jésus de l’Histoire et le Jésus de la Foi. Au secours St Thomas, ils sont devenus fous… à suivre… et bonne année…
Abbé Fabrice Loiseau