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La gratuité de l’amour miséricordieux de Dieu

La parabole des ouvriers de la onzième heure souligne un aspect important du mystère de Dieu : la gratuité du salut qu’il offre, la gratuité de la grâce.
Juste avant de prononcer cette parabole, Jésus a fini par la sentence suivante : « Beaucoup de premiers seront les derniers et beaucoup de derniers seront les premiers ». Il va terminer la parabole en reprenant cette même sentence, pour souligner que la parabole veut illustrer cette affirmation.
Or quel est le cœur de cette affirmation ? C’est que le plan de Dieu dépasse le simple cadre de la justice humaine.

Le plan de Dieu dépasse le cadre de la justice humaine
Dans l’ordre de la justice, on sert d’abord les premiers arrivés, puis les seconds. Jésus va aller encore plus loin dans la parabole qui souligne en plusieurs points la gratuité de l’amour de Dieu : quand Dieu nous donne, nous redonne, nous pardonne, il ne compte pas, il ne cherche pas à être équitable, mais il fait des largesses.
Une lecture un peu trop rapide de la parabole pourrait laisser penser que Dieu veut seulement dire qu’on peut toujours se convertir, même à la dernière heure. Cela renverrait à l’épisode du Bon Larron, qui est, en ce sens, un parfait ouvrier de la onzième heure.

Un amour inégalitaire 
En réalité, le sens est plus profond : ce que Dieu nous révèle, c’est que son amour est inégalitaire. Si l’on s’en tenait à la stricte justice distributive en effet, le raisonnement du maître resterait discutable : certes, il a respecté la justice dans son contrat avec les ouvriers de la première heure.
À coup sûr aussi, il est libre de donner à qui lui plaît ! Mais la situation est intolérable précisément parce que l’employeur a décidé arbitrairement de traiter certains ouvriers selon leur droit et d’autres selon sa générosité à Lui. On peut se dire intérieurement : « S’il veut être généreux pour les uns qu’il le soit pour tous ; s’il veut s’en tenir à la loi pour les uns, qu’il s’en tienne à la loi pour tous ». Il faut donc reconnaître que l’égalité des salaires équivaut à une inégalité de traitement. « N’ai-je pas le droit de faire de mon bien ce qu’il me plaît ? », demande le maître. Le terme utilisé est le « droit », terme qui est de l’ordre de la justice. Le Seigneur souligne qu’en Lui, la justice est miséricordieuse.
Il faut avouer que notre sens de la justice en est blessé. On a du mal à accueillir cette inégalité, qui ne nous enlève rien, certes, mais qui ne nous donne pas plus que les autres. Nous avons, comme les ouvriers de la première heure, tendance à avoir l’œil mauvais, l’œil jaloux. De la même manière que nous avons tendance à ne pas comprendre la joie du père de la parabole de l’enfant prodigue devant le retour du cadet. Nous avons tous, comme le souligne la parabole du publicain et du pharisien, un pharisien qui sommeille en nous, qui dit : « Je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes », et ne veut pas se réjouir de cette largesse.

Tout est grâce
Pourtant, la gratuité du maître est soulignée, même pour les premiers ouvriers. Car c’est bien le maître qui est sorti pour embaucher. La première démarche vient du maître. Cela souligne que dans le don de la grâce, le premier mouvement vient de Dieu, même pour celui qui est fidèle depuis le début. Il ne faut pas oublier que tout est grâce, tout est gratuit, même le fait d’être fidèle dès le début. Ensuite, il faut souligner que les ouvriers de la première heure ont quelque chose que n’ont pas ceux de la dernière heure : c’est d’avoir collaboré au travail du maître depuis le début, ce qui est le plan de Dieu. Nous avons été créés pour participer à l’œuvre de notre rédemption, par notre réponse de foi, par notre persévérance, par nos actes libres qui font grandir la vertu de charité en nous.
Si nous sommes tentés de préférer être des ouvriers de la onzième heure, c’est que nous oublions que nous avons été créés pour vivre avec Dieu, dans sa vigne, dès le début. Nous devons toujours avoir en tête l’enseignement fondamental de la parabole de l’enfant prodigue, à savoir que rester avec le père sans s’éloigner nous permet d’avoir part à l’héritage du père, d’en vivre, et d’entendre le Père nous dire « Toi mon enfant, tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi ».

Plan de Dieu : Joie par le travail
Ce que les ouvriers de la première heure ne comprennent pas et qui rend leur œil mauvais, c’est que c’est un honneur de travailler dans la vigne de Dieu, c’est la plus belle des grâces.
Ils sont obnubilés par la pénibilité de ce travail, mais oublient que le fait de travailler est la plus grande des joies, car c’est là le plan de Dieu et la noblesse de l’homme.

Abbé Jean-Raphaël Dubrule

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